Minimalisme et mode, voilà un lien qui semble plutôt illogique. Et pourtant aujourd’hui grâce à la prise de conscience environnementale il n’a jamais autant fait sens. Ici, je ne parlerai pas d’esthétique ou de design mais plutôt de modèle économique. En effet, l’industrie du textile a été créé et développé sur le modèle de l’obsolescence programmée et le renouvellement permanent des tendances.
Dans son dernier forum de la mode Re-boot Fashion, l’Institut Français de la mode indiquait que l’an passé uniquement 8% des marques ont plaçé l’éco-responsabilité au coeur de leur priorité alors qu’aujourd’hui cet indicateur passe à 26%, voir l’article de Fashionnetwork en question ici.
Dès lors, quelle démarche convient-il aux marques et aux consommateurs d’emprunter ?
Le minimalisme ou l’art d’aller à l’essentiel.
Greg McKeown dans son essai « L’essentialisme : faire moins mais mieux ! L’art d’être réellement efficace » explique qu’au lieu de forcer l’exécution, un essentialiste investit son temps pour créer un système afin de supprimer les obstacles et faciliter la mise en oeuvre. En d’autres termes, notre société valorise l’esprit d’entreprendre notamment par le fait de l’intuition ; pour McKeown, au contraire il convient de combattre cette idée. En effet, une entreprise se doit de s’évertuer à développer un système facilitant la mise en oeuvre. Ainsi, elle se focalise sur le principal et délaisse le superficiel.
Selon Greg McKeown, un essentialiste dit OUI uniquement à 10% des opportunités qui s’offrent à lui. Et dire NON s’avère très simple dès que nous savons pourquoi nous menons un business. Cela me fait forcément penser à une marque mode comme Loom qui l’applique parfaitement. Leur mission est de « Créer des vêtements durables, qui tiennent plus longtemps et abîment moins la planète » ; ils vont même plus loin en affirmant que « Moins c’est mieux ». Julia Faure la co-fondatrice m’a expliqué que comme ils avaient su définir le Pourquoi de leur marque, tout faisait sens et que dès lors il était facile de dire NON.
Un autre exemple vient du secteur alimentaire, en octobre dernier Biocoop a ouvert dans le 20ième à Paris son premier magasin anti-déchet. Dans cet établissement, vous ne trouverez pas de sac, il s’inscrit dans la « tendance » zéro déchet. Vous pouvez également acheter en vrac vos produits de beauté. Bref, tout ce que l’industrie de la mode n’a pas encore mis en place. La mode serait-elle en retard alors que d’habitude c’est elle qui fait les tendances ?
A cet égard, il est emblématique de constater que l’application Yuka a été créé pour l’industrie alimentaire en 2017 tandis que Clear Fashion vient juste de sortir en septembre dernier pour notre chère industrie de la mode (presque deux ans d’écart… Bref chacun son rythme). D’ailleurs, si vous voulez en savoir plus sur le Yuka de la mode, je vous recommande d’écouter le podcast auquel j’ai participé pour Nelly Rodi.
Le minimalisme pour une croissance maîtrisée
Avec l’avènement de la société de consommation suite à la deuxième guerre mondiale, le marketing nous a appris que « Plus c’est mieux ». Et qu’une entreprise, qui réussit, devait avoir des bureaux somptueux et un nombre pléthorique d’employés. Récemment j’ai lu le livre de Paul Jarvis « Company of one » qui va à l’encontre de cette croyance. Pour lui, aujourd’hui, grâce aux outils digitaux, nous pouvons créer et développer des entreprises unipersonnelles. Selon Paul, l’entreprise unipersonnelle questionne tout simplement la notion de croissance. Au lieu de s’interroger sur combien nous devons gagner d’argent ou générer de profit, il s’agit plutôt de s’interroger sur quel style de vie nous souhaitons. Finalement, la boîte que nous créons n’est que le reflet de ce que nous souhaitons pour soi et par extension pour les autres.
En exemple, il cite Ugmonk qui réalise des produits mode à l’esthétique minimale. En 2008, son fondateur a commencé son business en empruntant 2 000 dollars à son père pour réaliser une série de tee-shirts. Et dès qu’il a été sold-out, il a, de nouveau, produit une micro-collection. Ainsi, il a été profitable très rapidement. Par ailleurs, il a traité cette entreprise comme un projet complémentaire à son activité principale qu’il occupait la semaine. Et il gérait Ugmonk le week-end.
Qu’est-ce que cela nous apprend ?
Tout d’abord que l’on peut lancer rapidement un business pour tester et apprendre du marché. En outre, que cela ne nécessite pas forcément un investissement coûteux. Ensuite, qu’un business d’une personne peut atteindre le seuil de rentabilité hyper-rapidement et que cette croissance peut, par la suite, être réellement maîtrisée.
Le minimalisme pour une mode collaborative
Alors se pose une autre question : vaut-il mieux une ou deux licornes françaises (entreprises valorisées à plus d’un milliard) ou plutôt une myriade de micro-entreprises qui ont su créer un business soutenable ?
Le minimalisme nous invite aussi à effectuer un autre pas de côté concernant nos convictions. C’est pourquoi, la notion même d’identité se trouve altérée. Les groupes de luxe se sont traditionnellement construit sur la singularité et l’exclusivité. Tandis que les marques de mode digitales comme Bonne Gueule ou Asphlate se sont plutôt appuyées sur la co-création avec leurs clients. Concernant ces derniers, aujourd’hui ils sont intégrés au processus créatif et de fabrication. En d’autres termes, ils sont au coeur de l’entreprise.
Or, les marques de mode traditionnelles et groupes de luxe ne l’ont pas forcément compris et risque d’être pris d’une certaine obsolescence. Si elles souhaitent s’adapter, elles doivent passer d’une culture valorisant l’individu à une culture se positionnant sur la collaboration.
Enfin, l’éco-responsabilité implique de repositionner la notion même de croissance comme l’a suggéré Paul Jarvis. Ainsi, les groupes de luxe ne peuvent plus être uniquement valorisés sur leurs performances économiques. L’intégration dans leurs bilans d’indicateurs sociétaux et environnementaux devient plus que nécessaire. Kering a bien évidemment commencé à le réaliser avec son EP&L. Nous voyons également apparaître chez Gucci ou Chanel des nouveaux intitulés de postes comme « Directeur diversité et inclusivité ». La Fédération de la Haute Couture, quant à elle, vient d’annoncer qu’elle allait mesurer son bilan carbone. Toutes ces actions vont dans le bon sens.
Cependant, nous sommes en droit de nous interroger sur le pourquoi d’une réaction si lente face aux enjeux climatiques et sociétaux par rapport à d’autres secteurs. C’est pourquoi, l‘enjeu de ces prochaines années est de savoir si notre chère industrie de la mode pourra combler son retard.
Finalement, l’innovation passe surtout par la prise de risque. Et le secteur se doit d’être exemplaire mais surtout pionnier. En espérant que le minimalisme puisse l’inspirer en se focalisant sur l’essentiel 🙂
Article publié le 20 décembre
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Fabrice
Je me définis comme un explorateur Fashiontech.
En outre, j'accompagne les entreprises technologiques sur le marché de la mode et du luxe.
Enfin, je vis entre Paris et Valencia !
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