Depuis quelques années, nous voyons émerger des services de production à la demande venant aussi bien de startups comme Tekyn ou Unmade mais également aussi de groupes industriels comme Gerber ou Lectra. Pourquoi un tel engouement ?
Un début de réponse vient tout simplement du fait que les coûts de production en Asie ont augmenté. En effet, si on se réfère à l’étude de Mc Kinsey « Is apparel manufacturing coming home?« , publiée en octobre 2018, le coût d’un salarié chinois (en 2005) dans le textile correspondait à 1/10ème de celui d’un américain alors qu’aujourd’hui il est seulement de 1/3. Bref, il devient plus intéressant de rapatrier sa chaîne de production en Europe ou tout simplement en France.
Ensuite, le marché a besoin d’être plus réactif. En effet, de manière traditionnelle l’industrie de la mode prévoyait 6 mois à l’avance ses collections puis les poussaient sur le marché en espérant qu’elles se vendent. Tout cela à grand renfort de campagne marketing. Et tout cela finissait en solde ou en vente privée. Bien évidemment je passe sur les invendus et sur le fait que généralement la production s’effectue en Asie puis transportée et stockée en Europe. Or, depuis une vingtaine d’années internet est passé par là et les habitudes du consommateur ont complétement changé. Dorénavant, il veut tout, tout de suite. Lorsque c’est un produit dématérialisé comme un film, chanson ou podcast : pas de problème. En effet, il suffit de cliquer sur son smartphone. En revanche quand c’est un produit physique il doit aller en magasin ou se faire livrer. Le on-demand tente, à sa manière, de répondre à la frénésie de l’instantanéité. Par contre, il reste toujours le problème du délai. Le consommateur est-il prêt à attendre 15 jours ?
C’est pourquoi, les retailers restent une valeur sûre pour les milleniums et gen Z. Par exemple, un cas intéressant est celui de Farfetch qui réussit à livrer l’ensemble de son catalogue produit présent sur son site en 90 minutes sur la ville de Londres. Bref, attendre 15 jours ou 90 minutes reste un gouffre encore difficilement comblable.
Un dernier élément vient du fait que l’industrie de la mode prend « enfin » conscience de sa responsabilité environnementale et commence à prendre des engagements comme lors du G7 avec le FashionPact. En revanche, ce pacte ne contient aucune contrainte et repose sur la bonne volonté de chaque participant. Entre effet d’annonce et mesure contraignante, il faut choisir.
En fait c’est quoi exactement la production à la demande ?
Comme son nom l’indique cela signifie littéralement le fait de produire un seul produit en un seul exemplaire. Cela nécessite un outil numérique qui intègre le patronnage et automatise les tâches de découpe d’où un gain de temps substantiel. L’assemblage du vêtement, quant à lui, s’effectue toujours de manière manuelle. Bien évidemment, on peut produire en plusieurs exemplaires ce même produit par contre son coût unitaire reste toujours le même. Curieusement c’est tout le contraire de ce qu’on apprend en école de commerce grâce à la stratégie des volumes par les coûts. Celle-ci signifie que plus je produis en grande masse plus mon coût unitaire baisse et donc j’augmente mes marges. Avec la fabrication à la demande, cela ne fonctionne pas du tout de la même manière.
En terme de modèle économique, comment peut-on utiliser le manufacturing-on demand ?
Cela peut servir lorsqu’on a une rupture d’approvisionnement sur un basic, par exemple un tee-shirt blanc l’été. Les distributeurs de la grande consommation commence à l’utiliser afin d’optimiser leur vente et de fidéliser leur consommateur.
Le manufacturing à la demande peut également être utilisé pour copier un produit rapidement afin d’inonder le marché. Dans ce dernier cas, Inditex est un modèle du genre. En effet, grâce à sa chaîne de production à La Corogne, en Espagne, il peut plagier (pardon rendre hommage à) un produit et le mettre en magasin en 15 jours. En outre, afin de gagner en logistique, le réassort s’effectue de magasin à magasin. Et la supply chain est vidée tous les 3 jours toujours dans un souci d’efficacité.
Un autre aperçu de l’utilisation de la production à la demande vient de marques milieu gamme dont les clientes suivent des tendances mais en retard. En d’autres termes ce ne sont pas des fashionistas mais plutôt des suiveuses et donc la marque a juste besoin de repérer une tendance grand public et de la copier (le modèle Inditex n’est pas forcément très loin). Cela ressemble terriblement au Sentier des années 80. Finalement, on ré-invente un modèle déjà existant simplement avec des outils numériques et d’automatisation.
En outre, le manufacturing on demand permet surtout de pouvoir tester des micro-collections (ou collections capsules). Ainsi, j’expérimente un nouveau produit sur une quantité limitée et si c’est un flop, mes pertes sont mineures (donc je réduis mon risque). Tandis que si c’est un succès je peux en 15 jours ré-approvisionner mes clients. Enfin, si la marque couple cela à un système de pré-commande comme Asphalte, elle s’assure en plus de n’avoir aucun problème de trésorerie.
Ce système paraît idéal ; cependant, il reste un problème de taille celui de la matière première. En effet, en voulant produire à la demande il convient d’avoir malgré tout un stock de tissu en quantité suffisante et à disposition de l’Usine. Cela signifie que l’on-demand déplace le risque du surstock de produits à celui de surstock de matière première. Le seul moyen alors de limiter ce risque est de réduire son assortiment. Ainsi, pour un même produit j’aurai une gamme de couleur limitée, généralement quatre (Inditex a été précurseur dans ce domaine).
Le on-demand : une des solutions afin que les marques deviennent plus vertueuses ?
Début septembre, Oxfam lançait un appel afin que durant 30 jours nous n’achetions pas de nouveaux vêtements et lançait le hashtag SecondHandSeptember. En effet, chaque semaine 11 millions de vêtements finissent à la benne. Et pour cette confédération, le modèle vertueux d’un mode responsable est la seconde main. Ainsi, il suffirait alors simplement d’arrêter de produire et de passer d’un modèle de croissance frénétique à un modèle de décroissance cher à Pierre Rabhi. Au-delà d’un monde utopique avec uniquement de la seconde-main, nous pouvons raisonnablement parier sur un modèle mixte. Dans lequel, nous aurons encore une production en volume mais limitée et d’un autre côté une production à la demande.
Par contre, si on veut réellement que les marques de mode se bougent, le vrai moteur vient du consommateur et tout simplement de sa connaissance du produit ainsi que de la manière dont il consomme. Bref, la promesse du web était de créer un monde plus transparent et d’avoir une information accessible à tous. En quelque sorte, nous y sommes arrivés. Simplement, il nous reste à savoir ce qu’on en fait. D’un côté, nous pouvons continuer à passer nos journées à scroller sur Instagram. Ou bien l’utiliser pour mettre à profit des modèles de production et d’achat plus vertueux. Et cette décision c’est la nôtre. Ainsi, ce que nous consommons détermine ce que nous sommes.
Pour terminer, si ce sujet vous intéresse et vous voulez en savoir plus ; je vous invite à me rejoindre lors des Fashiontechdays qui auront lieu à la Mairie de Roubaix le 25 septembre sur l’Usine du futur. Il reste encore des places juste ici.
Publié le 18 septembre
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Fabrice
Je me définis comme un explorateur Fashiontech.
En outre, j'accompagne les entreprises technologiques sur le marché de la mode et du luxe.
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