Selon la Changing Markets Foundation (CMF), 72% des consommateurs estiment que les marques sont responsables de ce qui se passe durant la production. Cette prise de conscience incite plus en plus de marques à s’engager sur la voie de la transparence. Ainsi, elles tentent d’expliquer leur manière de produire. Par exemple, d’où vient la matière première et dans quelle usine votre pull est fabriquée.

Dès lors comment peut-on précisément définir la transparence ?

A la place de transparence, j’évoquerais plutôt le terme d’éthique de travail. En effet, être transparent signifie tout simplement expliquer ce que l’on réalise (plus ou moins en détail mais j’y reviendrai). Tandis que la notion d’éthique renvoie à la manière de le faire. En d’autres termes, le consommateur souhaite uniquement qu’on prenne en compte ses aspirations au-delà du marketing de la marque. Ainsi, la transparence s’inscrit plutôt comme une démarche de communication.

via GIPHY

 

La transparence comme modèle d’évangélisation auprès de son client.

Lorsqu’on évoque le principe de transparence, il convient bien évidemment de savoir jusqu’où on va dans la communication.

A titre d’exemple, je suis un grand fan de Buffer, la plateforme de partage sur les réseaux sociaux. En effet depuis sa création, elle a toujours mis en avant son exemplarité en matière de transparence. C’est pourquoi, sur son site vous pouvez trouver les :

  • Salaires de tous les membres de l’équipe,
  • Revenues de Buffer,
  • Emails pour l’ensemble de l’équipe (uniquement en interne),
  • Répartitions des capitaux propres,
  • Détails des levées de fonds et sa valorisation.

Pour résumer, cette démarche, au-delà de l’aspect communication, permet de développer un écosystème sain et durable pour leurs employés, collaborateurs, clients et investisseurs. A cet égard, ils ne sont pas juste « une startup » mais une entreprise qui souhaite avoir un impact sociétal. En outre, ils s’inscrivent sur la durée, notamment grâce à une croissance maitrisée.

Pour la petite histoire, en interne, il y a eu une divergence de points de vue concernant cette fameuse croissance. En effet, d’un côté, Joel Gascoigne, le CEO, voulait une croissance gérable tandis que les deux autres cofondateurs plaidaient pour une croissance beaucoup plus rapide. Finalement, ils ont évoqué le sujet avec l’ensemble des employés. Et, par une décision collégiale, ils ont décidé de suivre le chemin de leur CEO. Ce qui a conduit au départ des autres cofondateurs.

Un autre exemple de leur démarche de transparence concerne leur prix. Ainsi, ci-dessous, vous pouvez découvrir le détail du coût de leur produit et combien il est vendu :

Buffer trasnparence
@buffer

Au niveau mode, je vous invite également à jeter un coup d’oeil à celui de la société Everlane, créée en 2010 et qui a réalisé 40 millions de revenue en 2017. A l’origine, la startup californienne s’est développée uniquement sur le web. Puis a commencé à ouvrir des magasins physiques, le premier en 2017 à New-York puis à San Francisco.

transparence
@Everlane

 

Ces deux méthodes de communication similaires ont un même objectif : créer un lien de confiance avec son consommateur. Ainsi, ce dernier se sent impliqué dans la vie de l’entreprise et développe un sentiment affinitaire. Et, il n’est plus seulement un consommateur mais une partie prenante.

Cependant une question, à la limite philosophique, se pose « a-t-on le droit de tout dire ? » ou plutôt « doit-on tout dire ? ».

Quelle limite a la transparence ?

Un certain Georges Orwell, l’auteur britannique du roman 1984, serait dubitatif sur ce principe de transparence. A force de vouloir tout dévoiler, nous rentrons dans une ère de la surveillance. Et, il devient alors suspect de ne pas montrer ou de se montrer. En d’autres termes, le principe de transparence devient un idéal vers lequel chaque marque doit tendre. Ainsi, les réseaux sociaux en sont le parfait exemple. Aujourd’hui, il s’y joue une guerre de l’image où il devient plus simple de regarder un défilé sur Instagram qu’assis au premier rang selon Alexandre de Betak (dans le podcast Fashion No Filter), qui a organisé plus de 1 500 défilés en 25 ans de carrière.

Cette surabondance des images, notamment des coulisses et aftershows, appauvrie les récits car ceux-ci sont avant tout basés sur l’imaginaire. En d’autres termes, si tout le monde accès à tout, cela n’a plus de valeur.

Dorénavant, le mystère ou le secret n’a plus sa place. En novembre dernier, lors des Fashion Talks, auxquels j’assistais, Raf Simons regrettait cette intrusion permanente. En effet, il revenait sur le fait que les journalistes et influenceurs voulaient de manière systématique avoir accès à son travail en cours. Et, lui voulait simplement travailler.

Dès lors une marque de mode peut-elle se construire dans une démarche d’une transparence limitée ?

Cela renvoie à mon article précédent sur le minimalisme que vous pouvez lire ici. Ainsi, se concentrer sur l’essentiel devient vitale dans une société maximaliste (trop plein d’images, de communication, d’informations, de loisirs…). Montrer juste ce qui s’avère nécessaire procure bien plus de valeur. En outre, si vous réalisez des produits qui selon vos standards respectent la planète, vous n’avez pas forcément besoin d’en parler tout le temps. Bref, expliquer ne signifie pas se justifier. Ainsi, je vous recommande de regarder la vidéo de Bonne Gueule « Ethique et Environnement ». Dans laquelle Geoffrey explique concrètement ce qu’ils ont réalisé et tout le chemin qu’ils leur restent à parcourir.

Dans ce sens, le compte instagram de l’artiste italien Maurizio Cattelan est également un modèle du genre en matière d’essentiel. En effet, il publie une image par jour qu’il remplace le jour suivant par une autre (The single post instagram). Bref, une seule et unique image : Less is beautiful.

Enfin, il me semble possible que le principe de transparence invite les marques de mode à s’interroger sur leurs pratiques (délocalisation, volume par les coûts…) et à une certaine retenue. Cela permettra de réintroduire de la valeur pour le produit en lui-même et non plus pour le système marketing qui l’entoure. Et, donc de réallouer les budgets sur ce qui fait le coeur de la mode : le vêtement.

Article écrit le 20 janvier 2019.

#Myfashiontech #Fashiontech

Pour en savoir plus sur ce sujet, je vous recommande les articles suivants :

 

Fabrice

Je me définis comme un explorateur Fashiontech.
En outre, j'accompagne les entreprises technologiques sur le marché de la mode et du luxe.
Enfin, je vis entre Paris et Valencia !